DAY 1
Après avoir pris possesion de ses pénates, retrouvé nos jeunes et perçu un lointain X-Ray Vision provenant de la main stage, les Maccabees donnaient le coup d'envoi du
Pukkelpop festival, cuvée 2009.
C'est avec peine que je me remémore le concert de Vetiver, fait de petites chansons natures, fraîches et anodines. Des ascendants manouches, country, rockabilly percés par deux, trois solos. Leur folk se perd parfois, notamment dans la lenteur de certaines compositions telles que Boring la bien nommée, mais fini toujours par s'en sortir à la faveur de l'incontestable qualité de leur musique.
Accablées par la position sommitale d'un soleil de plomb, nous kiffons néanmoins un groupe dont on ne se lasse pas, j'ai nommé Ghinzu, qui nous livre un set condensé, rentabilisant de façon optimale la plage horaire défavorable accordée au groupe wallon. Un très mauvais mixage de la basse aura galvaudé Cold Love, une petite brise sublimé The Dragster Wave, et John tombé ses lunettes (des réfractaires, ces rockeurs).
C'est ensuite en Bon Iver que l'on trouve le premier événement majeur du jour... Tout en crescendo vivaces, en ascensions retardataires, le bûcheron en bermuda du Wisconsin se plait à construire des rampes où les sons se mêlent et s'intensifient, qui font prendre à ses oeuvres un essor final du plus bel effet. For Emma Forever Ago m'avait déjà paru magnifique à la maison, mais à cet instant, J. Vernon est parvenu à me filer la chair de poule par 40°C. Avec Creature Fear comme avec Flume, on voltige au dessus d'une délicatesse à fleur de peau, sans sensiblerie. Un public conquis et connaisseur finit de rendre ce concert magnifique, en reprenant des nombreux refrains.
Restons dans une ambiance 'Amérique des grands espaces où le vent souffle dans les pins' et enchaînons gaiement avec Port O'Brien, une délégation dont le remarquable album I Woke Up Today avait déridé mes soirées de l'hiver dernier. Don't Let Me Hesitate pêchue, contrairement au reste du set qui sonnera un peu creux, la voix du chanteur un peu moins éclatante, l'affranchissement moins tonitruant. Pas de In Vino Veritas. Fisherman's Son, ma préféré, paru effectivement plus morne qu'à la maison... Ca arrive. Ils clôturent par la plage-titre, morceau galvanisant qui a honoré sa fonction.
On change de continent, battant cette fois le bitume avec le king de LDN... Que l'on s'incline devant Dizzee Rascal! Nous arrivons sur un Paper Planes remi à sa sauce surdosée. Dylan Kwabena Mills ne tarde pas à enbrayer sur Stand Up Tall et Dance Wiv Me. Malgré la fournaise de laquelle nous sommes prisonniers, malgré cette touffeur insupportable, nous bondissons conjointement avec toute la vigueur que nos membres liquéfiés peuvent encore livrer. Tout y passe, et cela me semble encore supérieur à son émérite prestation du Polsslag. Méchante machine à tube et à sueur, il nous balance finalement un Bonkers de magnitude maximale qui met tout la marquee d'accord. On a plus qu'à tordre nos t-shirts et nous jetter sous les robinets avant de nous diriger vers le club, où Grizzly Bear donnera l'un des concerts les plus attendus du jour.
Mais tout n'est pas si simple. En effet, il se trame quelque chose qui attise fièvreusement notre curiosité... Un "groupe surprise", dont le nom ne sera jamais dévoilé, joue au même moment, et nous force donc à abandonner les auteurs du très bon Veckatimest après deux de leurs mirifques compositions.
C'est alors qu'après avoir fendu un rideau de pluie orageuse et battante, nous apparaît distinctement la coupe brosse de Josh Homme sur grand écran.
THEM CROOKED VULTURES. La rumeur courrait, on n'osait l'entendre, voilà qui est fait; nous aurons l'exclusivité de recevoir Joshua, Dave et John machin de Led Zep, de nous délecter de leurs morceaux inédits, redoutables, distordus et virils. Tous plus interminables les uns que les autres, ils nous apparaissent grandioses, en particulier le troisème en partant de la fin. Il va sans dire que la batterie ébranle ce qui reste de nos corps, et subjugue ce qui reste de nos crânes. Et pour cause, c'est Dave Grohl qui se trouve derrière, quand même. Homme est impressionnant, sa voix frôle décidément l'excellence. Ce projet, c'est la classe royale. C'est fébrilement que j'attendrai la sortie de cet opus d'anthologie, ouais, sans aucun doute.
Retour au camping histoire de se sustenter après tant de secousses, puis, Beirut. Zach, sa grâce, sa classe et son ukulélé arrivent et ouvrent par l'une des plus belles, Postcards From Italy (qui donne lieu à des regards complices avec nos nouveaux potes transalpins) qui serpente dans les cuivres et escalade jusqu'à toucher au sublime. Malheureusement, le beau ténébreux oubliera la totalité des mes préférées, choississant d'octroyer la part du roi à la moitié circassienne de March Of The Zapotec. Qu'à cela ne tienne, les instruments sveltes et touffus forment un paysage luxuriant devant lequel on s'émeut en se balançant doucement. Nous partons au terme de l'antépénultième Nantes, (avant qu'il n'interprête sa nuit avec la pute de Marseille) car il nous faut une place de choix pour les Anges Noirs.
"Je prendrais bien un peu de Black Angels avec mon p'tit joint". Inutile, accessoire, vain. L'acide de leur musique suffit emplement à nous baigner dans un état de communication intense avec l'Esprit rusé. Directions To See A Ghost est simplement l'un de mes albums préférés, halluciné comme du Brian Jonestown Massacre, suant comme du Black Rebel Motorcycle Club, et une identité propre et tout aussi ancrée. Mais ce n'est rien à côté du live. Rien.
Pas de Prodigal Sun ni de 18 Years, dommage, mais c'est passé inapperçu.
You On The Run nous immerge d'emblée dans un magma visqueux et bouillonant, où la fumée danse, occulte, possède. Science Killer, et je tombe éperduement amoureuse de la blondinette aux yeux combustibles derrière les fûts. La jeune femme cogne, le menton haut, de toutes ses forces des rythmiques brutes et pulvérisantes avec toute la hargne que ses bras fins lui permettent.
Les volutes stupéfiantes des démoniaques musiciens nous font rouler les yeux en arrière, en communion extatique avec le brouillard sonore qui nous enveloppe. Mes doigts étreignent ma robe, ma tête m'échappe et je survole leur univers intoxiqué. Yellow Elevator. Lévitation pétrifiante, potion grisante. Les Texans s'en vont sur Rain Dance, et nous laissent en manque, la bouche ouverte, en réclamant encore.
Un sommet n'est le terme qu'en apparence.
Puis on a guinché, sur orbite, jusqu'au bout d'la night, avec les Crookers.
DAY 2
Ou la journée qui se voulait la moins palpitante et qui s'est pourtant échiné à démontrer le contraire.
On se met en route histoire d'apercevoir la robe turquoise lamée d'Emily Haines et de vaguement taper du pied sur Help, I'm Alive et Dead Disco. Metric, ça casse pas trois pattes à un canard, et on peut en dire autant d'Alberta Cross, sortis d'on ne sait où, ce groupe au nom confondant fait de la musique sans style, ou plutôt avec celui de n'importe qui. Ils sont fadissimes, audibles mais jamais ne décollent. D'un ennui morbide, en somme.
Nous nous rendons ensuite sur la scène metal pour y ouïr A Place To Bury Strangers, qui eux, sont loin d'être foncièrement mauvais, une fois les bouchons enfoncés loin dans les oreilles. Très agréable, on ne distingue pas grand chose, mais nous sommes néanmoins en mesure d'apprécier.
Nous partons précipitamment car quelque chose d'autrement plus folâtre se prépare... Plus fort que le Muppet Show; l'arrivée de Puppetmastaz.
Sur scène, un gros parallélépipède rectange drapé de leur insigne, une douzaine de marionnettes surexitées et fugaces (pièuvres, trucs à plumes et à bec, hippopotames, espèces canines, perruques mouvantes...) , des confettis, des cotillons, des ballons de baudruche... Bref, la grosse ambiance. C'est bien simple, je suis hilare du début à la fin. Quand ils ne rappent pas rageusement, les petites bêtes sauvages lâchent des fintes et se jouent de nous, dociles perroquets réactifs. Les Allemands sortent tout de même de leur cachette le temps d'un morceau, peut-être afin de décevoir ceux qui croyaient ces animaux faits des chair et d'os. On remarque par la même occasion, non pas qu'ils ont des looks de losers blancs travestis, mais que leur flow est ahurissant, en particilier celui du p'tit chinois nerveux. Plus divertissant, tu meurs. Un excellentissime moment interactif.
Is this the future?
Les Eagles Of Death Metal sont relativement mous du genoux deux bonnes dizaines de minutes, c'est-à-dire le temps que le public, n'y tenant plus, se dédiscipline pendant Cherry Cola et prenne fermement le concert en mains. A coup de slam, de gestes obsènes, d'arrosage généreux, la foule perd la tête et trouve the way to L.A. Vraiment très cool. Jesse Hughes, c'est quelqu'un, un fieffé roux, et probablement l'homme qui a enseigné l'art de la danse à F. D...
Cap sur le club, histoire de tuer le quart d'heure qui me sépare de Bill Callahan. C'est un groupe détestable, mondain, stylisé, en un mot hype qui évolue nonchalamment sur scène. Les Virgins jouent depuis dix minutes et entament She's Expensive. Avec la plus grande des stupéfactions, je suis contrainte d'admettre que c'est vraiment bien foutu. Gaies et entraînantes à l'image de Fernando Pando, les chansons des snobinards new-yorkais rendent extrêmement bien en live. Envers et contre leur suffisance horripilante, j'ai une folle envie de rester, mais un grand besoin de partir.
De partir pour frapper au parvis du château, rotonde à grandins, où Bill Callahan vient de commencer. Assise, face à lui, il capte l'attention de l'assistance en un claquement de doigts. Il lui suffit d'amorcer l'une de ses compositions pour le que silence le plus cotonneux se fasse. Dans son genre, Bill Callahan fait partie des meilleurs. Avec l'album Sometimes I Wish We Were An Eagle, il nous a prouvé qu'il se démarquait des ses nombreux collègues versants dans le lo-fi-neo-folk par des rythmiques très variées et une voix hors du commun. Prenons Sébastien Schuller. Ce qu'il fait est magnifique, il transperce la voie lactée, mais on peut raisonnablement dire que c'est chiant. Contrairement au texan ici présent, qui, quant à lui, se fend en deux pour briser la réserve de laquelle la beauté est parfois captive... On en avait vraiment le sentiment, d'être des aigles. L'atterrisage est strident, aveuglant, difficile.
Glasvegas. Sans commentaire.
Pour nous stimuler un peu, nous improvisons une sarabande enjouée et insouciante avec les Tings Tings comme fond sonore. Great DJ, That's Not My Name, tout ça... Je ne vous fais pas un dessin.
Nous gagnons sans plus tarder la demeure de Patrick Wolf, qui est bien plus qu'une dragqueen. Je ne connaissais pas grand chose du bonhomme, mais j'en avais une impression plus prude et délicate. En effet, quelque part entre Chouchou et David Bowie, Patrick Wolf empoigne avec conviction tantôt sa guiatre, tantôt son micro en ondulant dans sa robe dorée. Je le retrouve un peu lorsqu'il use du violon, de très belle façon. Une sirène blonde, un mage fantaisiste, un aliéné gothique, on ne sait trop, mais quoiqu'il en soit, la démarche du garçon crie la sincérité, contrairement à ce que laissaient penser les préjugés. Il clôt par un Magic Position amélioré, touched for the very first time.
De retour au château, nous sacrons le concert de la journée : HEALTH.
Je n'ai pas encore compris ce qui s'était passé.
Ensuite, nous faisons la java quelques temps dans la cocotte minute vaporeuse de la Boiler Room, avec MSTRKRFT. Set sympathique, mais pas le temps de nous emballer que nous lâchons prise afin d'apercevoir Crystal Antlers.
Ah, maintenant je vois mieux ce qui est advenu de mon être pendant Health... Les Crystals Antlers tout juste les mêmes, mais avec des mélodies définies et une voix omniprésente en plus. Tout l'attrait de Health, mis à part se dévisser l'encéphale et être crédulement entraîné par le bruit, réside dans le fait que l'on se compose nous-même notre musique. L'irrégularité du tempo, l'indiscipline des instruments, l'intarissable flux de bidouillage cacophonique nous poussent à nous efforcer de trouver un fil à tout ça. Il n'est plus question de notes, de construction, d'acoustique. C'est du grabuge, de la musique expérimentale de haute volée, de l'art abstrait. Alors après, le reste paraît fadasse, forcément.
Ou pas tout-à-fait... Dans un autre genre de puissance, ce sont les Bloody Beetroots que nous nous en allons retrouver à la queue-leu-leu. Un set absolument atomique, salement gâché par la perte du téléphone portable de C.D. Qu'à cela ne tienne, nous dévorons jusqu'à la dernière miette de cette liesse populaire (n'évoquons pas même le climat du dance hall débordant pendant Warp) et cabriolons les bras tendus tant que faire ce peut. Right here, right now. Ils (nous) achèvent après une heure trente de cohésion folklorique en ayant le bon goût de passer Disorder, oui, Disorder.
Coup d'oeil curieux aux papys de Kraftwerk, qui ne recueillent visiblement pas les faveurs du public. Radioactivity. Nous retournons trois décénies en arrière, avec des néons vert fluo et des images de tetris. Je trouve ça assez impressionnant, ces quatres extra-terrestres derrière leur ordis qui émettent leur son minimaliste et unanimement révolutionnaire en plein air. Légendaires, nucléaires, ils valaient tout de même bien la peine qu'on s'y attarde un peu.
DAY 3
Ultime et pas des moindres, le troisième sera le jour des idoles.
Cette fois, nous ne nous mettons en branle que très tard, après avoir loupé les Brakes et Telepathe.
Nous assistons tout d'abord au récital des Rifles. Je les avais rapidement classés parmi Rakes, Cribs, View, Courteeners et autres sots groupes british sans nul intérêt. Ils exécutent Repeated Offender, la meilleure selon moi, et mettent une chouette ambiance dans l'assistance éparse. Peace & Quiet. Je réalise que, de vive voix, le chanteur est plus talentueux que présumé. Mais enfin, rien de renversant, très routinier, allons-nous en voir le gentil Jack Peñate.
Sa prestation m'a donné envie d'écouter son album, j'imagine que le garçon a donc atteint son but. Ce qu'il faut d'exotisme, d'enthousiasme; c'est une petite douceur benette qui glisse toute seule. Spit At Stars vivace et joyeuse. Second Minute Or Hour enjouée et zélée. On en sort pas grandi, mais si l'on était au finfond d'un gouffre dépressionnaire, on a de bonnes chances d'avoir retrouvé le sourire un instant.
Trop d'attentes pour ce concert de Deerhunter. A vrai dire, seule Never Stops m'a un peu exaltée... Peut-être eût-il fallu une salle obscure pour apprécier d'avantage...
Bien entendu, nous pouvons communément saluer la toute grande vertu de la musique, mais à aucun moment je ne l'ai surprise à grimper le long de mon dos ou à tournoyer parmi mes cellules nerveuses. Etonnament plat pour un si bon groupe, en somme.
Après cette petite déconvenue, nous ne ferons plus que larver, entendant vaguement les dégoûtants Anti-Flag et les plus dignes d'attention Dinosaur Jr. Mauvaise gestion du temps. Tant pis, après tout, c'est pour le clou de la soirée que l'on a princiaplement ramené sa fraise.
Mais aussi, mais aussi, pour 50 Cent.
Quel séisme... J'ai bien l'impression d'avoir été la seule à le percevoir de cette façon, mais ce fut de très loin le meilleur moment du jour. Car, non seulement je vivais les chansons que j'avais écoutées tout au long ma pré-adolescence, mais ce n'était pas uniquement le charismatique Curtis Jackson qui évoluait sous mes yeux ébahis, c'était bel et bien la quasi totalité de son fidèle crew! Lui, Tony Yayo et Lloyd Banks. Trio de feu. GGGGGGGGGGGG-UNIT!
Le public ne sait peut-être pas trop pourquoi il est là, où alors dans le but de brandir des pancartes toutes plus comiques les unes que les autres, mais Dieu sait s'il se laisse mener par le bout du majeur (photo) et s'il bat frénétiquement l'air de ses bras synchronisés. Quoique l'on dise sur son attitude, quoiqu'on puisse lui reprocher, c'est un mobilisateur de foule, le fifty. Ca pulse juste ce qu'il faut, on entend parfaitement sa voix suave nous demander civilement put yo mother fucking hands in da mother fucking sky. Il enchaîne à une vitesse affolante, je trépigne à chaque fois, j'en suis prosaïquement folle.
Il les fait toutes, de In Da Club à Candy Shop, de 21 Questions à Many Men, de P.I.M.P à Hate It or Love It, de Magic Stick à Disco Inferno, de I'm Supposed To Die Tonight à Just a Little Bit, en insérant même des oeuvres de collègues (The Next Episode) et en laissant ses comparses défendre leurs tubes respectifs (So Seductive et Hands Up). Jamais je n'ai vu tel condensé d'une oeuvre. Formidable.
Dernier concert avant ledit "grand moment": N.E.R.D.
Je revis à la virgule le concert de l'AB, en moins bien, en moins compact, et en beaucoup plus court.
Back from the dead
Moment de vérité.
Préambule: Vous excuserez/condamnerez/comprendrez la tournure plus personnelle que se prépare à prendre ce sempitenel reportage. Tout d'abord car, dans la mesure où les Arctic Monkeys me sont intrinsèquement liés, je ne peux en faire autrement, et, d'autre part, en faire le récit impartial aurait encore moins d'intérêt que c'que j'fais là.
Et si je vous disais que ça faisait plus de deux ans que j'attendais cet instant? Deux longues années que je nourris un amour inconditionnel pour ce quartet de primates anthropoïdes à face nue et à membres préhensibles. Rien, ni l'évolution de leur physionomie (étirement des ramifications capillaires et amplification du volume de la chevelure, cachexie maladive du chanteur, dépigmentation cutanée tirant vers l'opalin, douteux penchants vestimentaires glorifiant tantôt la harde métalleuse, tantôt la guenille effeminée, le slim gainant, la chaînette à pendants...), ni l'évolution novatrice de la vibe émanant de leur fanfare ne m'a fait démodre de ma passion.
Certes, les Arctic Monkeys ne sont plus les mêmes. Ils ont définitivement radié leurs habitudes de banlieusards géniaux à t-shirt Adidas et à acné récalcitrante, de stoïques adolescents timorés, d'innocents prodiges, capables de pondre dix fois la mélodie du siècle, ayant eu la mauvaise idée, dès le début, d'avoir enfanté l'album parfait.
Mais là réside leur magique singularité: plutôt que de se singer, hin hin, ils tentent perpétuellement de titiller d'autres Olympe, au risque de désarçonner la populace.
Nietzsche disait que les singes étaient bien trop bons que pour que l'homme puisse descendre d'eux... C'est ce qu'on va voir...
Ou plutôt, ne rien voir. Car c'est bien ce qui est arrivé ce curieux soir d'août. Ne rien voir de la scène, ne rien voir passer, ne rien voir venir.
Avant ce concert, j'avais tâché de n'entendre que le strict minimum d'extraits d'Humbug, afin de lever de voile par moi-même, face à eux. Une riche et belle idée, théoriquement.
Pas d'effet dévastateur dans la poitrine à leur arrivée. Les circonstances inhibantes de cet été ont fini par avoir raison de moi et de ma capacité à profiter pleinement de l'instant. Trop d'anxiété, de pensées tristes et parasitaires ont gommé l'enchantement. Je me vois mal parler d'un moment auquel je n'ai pas assisté.
Une superbe setlist, ces garçons ont décidément du goût, If You Were There en troisième position, un choix tactique osé et acquérant. Tout est parfait, de l'arrivée de Still Take You Home au binôme Do Me A Favour-Secret Door, jusqu'à la conclusion, 505. Couronnement très douloureux, durant lequel je réalise (non pas qu'ils n'avaient pas fait When The Sun), mais que je fus imperméable au premier concert vécu du groupe que je préfère au monde.
Mais cette amertume, à l'heure où je vous parle, 11:16, le mardi 25 août, s'est déjà dissipée.
L'imparable raison est la suivante: j'ai écouté Humbug cette nuit après avoir réussi mes examens.
Enfin, je retrouvais ce qu'il fallait de fébrilité en appuyant sur play, enfin j'appréhendais, enfin je me réjouissais. Dans l'obscurité, face à une fenêtre ouverte à travers laquelle les éclairs rayaient le ciel, j'allais enfin voir de quoi il retournait.
My Propeller ouvre l'album avec un schéma de chanson inédit chez les quadrumanes qui n'est pas sans évoquer la profondeur de Suture Up Your Future, pour ne pas éviter les comparaisons faciles qu'engendrent la nature du producteur de l'objet. C'est néanmoins J. Ford qui se cache derrière (il n'y a pas de secret, l'homme est à la base de mes préférées) et lui insuffle tous les tréfonds qui signent l'entièreté de son travail. Les nuances opaques, les tonalités dégradées, les légertés lugubres, les finalisations ahurissantes... Crying Lightning, puit de souvenirs, single idéal, absolue cohésion de l'enchevêtrement basse/batterie/guitare, fièvre de la minute cinquante six; tout en cette réussite se démarque sans dénoter.
Nuque mobile marquant la basse de D.a.n.g.e.r.o.u.s. A.n.i.m.a.l.s., éminente et complète, circulant dans diverses ambiances l'espace de trois minutes. Et c'est un peu l'impression qui domine dans l'oeuvre de cette nouvelle espèce simienne... Une vogue tantôt haletante, tantôt ouatée qui nous transbahute ou nous dépose aux confins de mondes chastes dont le sol ne demande qu'à être rageusement piétiné, ou amoureusement foulé.
Alors celle-là! Secret Door. Une âme brave me l'avait décrite comme la meilleure de l'album, et je pense être désormais en mesure d'affirmer que je rejoinds aveuglement sa claire pensée. En véritable antidote à la frustration, elle libère les ultimes affectations désabusées par des contractions spasmatiques de diaphragme accompagnées de larmes... Exorcisée, je me retrouve. Secret Door est grande, grande. Et les mots en préfixe ex épousent pour le coup parfaitement son effarante noblesse.
Mais comme les Arctic Monkeys ne sont pas du genre à nous ménager, ils font suivre la majesté de la ballade par la brutalité domestiquée de Potion Approaching. D'abord ténue et herculéenne, elle décélère et s'attèle à exercer un envoûtement croissant, excessivement lascif, qui crée une malicieuse dichotomie qui se retrouve kidnappée dans le Far West par d'adéquats choeurs.
Suit Fire And The Thud, un peu plus terne que ce qu'on a entendu jusqu'ici, mais toujours affublée d'un climat incroyable, moite, cramé sur le tard par un Jamie pyromane et une Alison incendiaire.
La toute jolie Cornerstone semble taillée sur mesure pour la diva dandinante qui habite le corps famélique d'Alexander David Turner. Son rythme ravissant met en exergue le texte (et c'est une constante; la plume d'Alex, en plus de n'avoir jamais été aussi belle, est magnifiée par sa diction et par le tempo toujours très recherché de son chant embelli.) Déliée et impalpable, elle arrive comme une fleur à l'endroit propice, c'est-à-dire juste avant Dance Little Liar, chanson couché de soleil d'hiver, fin d'après-midi du dimanche, grave et affectée, triste et rondement menée. Ils revendiquent leur lenteur nouvelle, assumée, seyante, mais la torde néanmoins de façon originale à l'aide d'une batterie à la simplicité primitive et par une conclusion crève-coeur à la fusion instrumentale insensément radieuse.
Pretty Visitors, Space Invaders. De par sa théâralité flippante, elle renoue avec l'esprit zombie des faces-b de Brianstorm, se déclarant chaînon entre FWN et son successeur. Final soigné, très robuste, comme d'hab.
The Jeweller's Hand a la mélancolie d'une complainte grecque et il lui incombe la lourde tâche de clore de manière diffuse et brumeuse un admirable album, une fois de plus. J'équarquille les yeux, je n'en reviens pas de toucher déjà à la fin.
Peut-être moins révolutionnaire dans son genre que les deux précédents, il n'en reste pas moins une des sept merveilles du monde.
Les Arctic Monkeys sont un groupe générationnel, de ceux qui marquent leur temps d'une empreinte indélébile, n'en doutons plus.