Tout commence par un Aaaaaah déchirant émi par
Tout commence par un Aaaaaah déchirant émi par Eileen, une charmante octogénaire amatrice des illustres Crash, vagues interprêtes de Should I Stay Or Should I Go.
On fait alors connaissance avec cette dragueuse invétérée et ses deux potes, Joe et Lenny. Ils forment, comme ils disent, le gang des Trois Mousqueraires et fendent la route avec entrain à bord de leur bolide. C'est Lenny qui conduit; c'est lui qui voit le mieux.
Young@Heart, c'est un film surprenant, un documentaire édifiant relatant l'existence débridée de cette joyeuse bande de p'tits vieux aux coeurs de rockeurs. Jalonné par des moments savoureux, des mimiques proprement hilarantes, des cris de fausset, de charmants défauts de prononciations, d'attachantes arythmies et faussetés, il nous insère au sein de l'élaboration de la tournée de cette chorale atypique.
Nous faisons notre entrée dans un univers où les doubles foyers côtoyent Purple Haze, où les baxters flirent avec Sonic Youth et les semelles orthopédiques battent le sol sur I Feel Good.
Claire et moi y sommes allées avec la ferme intention de nous payer une bonne tranche. Les trailers aussi barrés qu'alléchants laissaient présager un moment cocasse.
Mais nous sommes arrivées à un constat unanime; c'était bien plus que cela.
Young@Heart est une fable sur le temps qui passe, illustrée par des vieillards qui transcendent leur âge en s'assemblant, en chantant, en parcourant l'Amérique jusque dans ses plus sordides prisons fédérales, allant arracher les larmes des détenus aux gros bras croisés. Et ils ne seront pas leurs seuls à être émus par l'inénarable troupe... Je n'écouterai plus jamais Fix You sans que les larmes ne brouille mes yeux. C'est Fred, ce colossal bonhomme greffé à sa bombonne d'oxygène qui l'a interprêtée de sa voix quasi céleste en clôture de spectacle, rendant hommage à Bob et Joe, que Dieu aura décidé de rappeller à ses côtés avant le terme de la tournée. C'est une chose inéluctable ici rendue au plus près, sans pathos, et vécue avec une grande dignité par les chanteurs restants. La persévérance et la solidarité sont les véritables valeurs défendues sans lieux communs par le film de Stephen Walker. Affolant de justesse, de tendresse, Young@Heart est un film chaleureux qui nous réconcilie avec le temps qui file...
Notons par ailleurs que j'aime passionément et de façon définitive le couple Penn/Hirsh, surtout quand celui-ci copule sous l'oeil d'un Van Sant inspiré, se délestant de ses esquisses adolescentes, cîmes de son oeuvre expérimentale. Ici, il épate par sa puissante concision et confère à son film des dimensions surprenantes, frisant les sommets, par moment. Sans parler de Penn, simplement l'un des meilleurs acteurs dont nous avons la chance d'être des contemporains... Mais ça, c'est une autre histoire.