Polsslag, Grenlandshallen, Hasselt.Une journée
Polsslag, Grenlandshallen, Hasselt.
Une journée éprouvante s'annonce, 23 heures d'intense activité dont 13 exculsivement consacrées à la musique.
Red Light Company nous pousse à fournir notre premier effort. Insipide, banal et formaté, le groupe anglais couronne sa médiocrité par la sombre idée de balancer d'entrée de jeu Meccano, leur unique chanson potable.
L'équipe au complet, nous nous mettons en route vers les Rakes après un trop bref aperçu des Noisettes qui semblaient pourtant avoir trouvé une formule convaincante à base d'indie sauce Motown.
Le quartet londonien nous avait laissé présager un moment agréablement testostéroné au vu de Klang, leur second album, qui, bien que frugal question profondeur et recherche, pouvait se révéler d'un entraînant irrésistible en live. Quelques bons moments, dont Retreat et Open Book semblant être les seules rescapées d'une musique lobotomisée qui pompe beaucoup dans un punk suranné et imbécile estampillé union jack.
Il fallut attendre 19:45 pour que nous entendions enfin de la vraie musique, et ce grâce à Shearwater, l'une de mes plus belles découvertes de l'année écoulée. Le chanteur psalmodie des compositions taillées dans la grâce. Elles jouissent pour la plupart d'un schéma imparable: tout en retenue avant de laisser éclore brusquement l'égémonie des instruments. Pléiade d'instruments d'ailleurs maniés à la perfection, entre trompette et mandoline, clarinette et xylophone, synthé et contrebasse. Mes préférées, Rooks et Leviathan Bound se suivent, bercent et comblent. Mieux vaut-il parfois fermer les yeux; le son exhale et la perception n'en est que plus précise.
Encore flottants, ce sont les Von Bondies qui nous ramènent cruellement à la réalité. Une enfilade d'ignobles riffs têtus qu'il sera préférable de ne pas décrire d'avantage. Nous qui nous faisions une joie d'agiter furieusement nos corps sur C'mon C'mon avons déchantés à la seconde, allant jusqu'à nous asseoir pour mitrailler les pieds du public. Passons.
Stand Up Tall, Flex, Dance Wiv Me... Autant de tubes qui nous réconcillient avec les programmateurs du festival. Quand Dizzee sévit, le Graal hip hop descend entre les mains de chacun et entraîne automatiquement. Je pense définitivement que le rap est à l'époque contemporaine ce que le rock'n'roll fut aux décénies précédentes. Un véritable bonheur, brut et concis.
Les Yeah Yeah Yeah's, ou l'éclosion d'une huître. Karen O et son band ont changés de bord avec Zero, cela ne m'a pas plu du tout. Des synthés lamés néo-disco qui nappent du bon rock décharné made in NYC, c'est là un choix stratégique qui m'échappe. Cela étant, la chanteuse a visiblement de la bouteille et capte l'attention sans effort. Flanquée d'une combinaison improbable, de fard à paupière plus que turquoise et d'un amour inconsidéré pour les geysers, elle se meut, chante et susure à la perfection. Kiss Kiss. Le concert débute en trombe mais va doucement virer, faisant l'objet de baillements et de regards insistants lancés à la trotteuse de sa montre, mais pour une noble raison...
Pour la deuxième fois de ma vie, Peter Doherty se postera face à moi et chantera de sa voix d'ange.
Il commencera par un trio de chansons tirées de Grace/Wasteland. (Cela n'engage que moi, mais j'ai trouvé cet album affreusement inachevé. Une hétérogénéité infractueuse et tirée par les cheveux. Mais voilà, c'était sans compter la présence de L'individu, c'est donc une dithyrambe que je m'en vais écrire...) Seul avec Sa guitare, qu'Il manie de cet indolent génie, Il les sublime et les rend bien plus digestes, pour ne pas dire exquises. Mais ce plaisir n'est que néant face au premier choc psychique de la soirée: What A Waster. Moi qui n'osais penser raisonnablement à pareille espèce de reprise, Pete nous livrera pourtant un étourdissant florilège que je ne pourais restituer que de façon alléatoire: mythique Music When The Lights Go Out, leste Death On The Stairs, mignonne Tell The King, faramineuse Time For Heroes, galvanisante Up The Bracket, jouissive Can't Stand Me Now, et puis, immenssissime The Good Old Days.
A chacune de ces chansons d'anthologie, mon sang ne fait qu'un tour pour arriver violemment à mon coeur vultueux, tuméfié par le bonheur, qui bondit et fait frémir mes membres qui en agrippent d'autres et les étreignent, mains ou cheveux. Vous remarquez qu'il n'est nullement question de cerveau, cette fonction ayant été totalement désactivée. 'Ohlala' sera bien la seule onomatopée que je serais en mesure d'émettre. Toute lucidité est anihilée face à un tel artiste. A la cîme de notre estime, on Le divinise pour Ses dons de musicien, Sa voix, Sa maîtrise, Ses défauts, Sa gentillesse. Comme à son habitude, Il s'enquit de notre humeur et du bon déroulement de notre journée, offre un chapeau qui n'est pas le Sien, boit des whisky coca dosés, nous conte Ses pérégrinations.
D'aucuns s'en sentiront outrés et m'accuseront de félonie, mais Pete est les Libertines (si bien qu'en nous remémorant l'instant, nous parlerons de Lui à la troisième personne du pluriel...). Il revisite les morceaux sans en égarer aucunement l'identité. Toutefois, l'urgence qui leur fut propre s'éclipse au profit de délicieuses révérences acoustiques.
Inoubliables, ces moments libertins vertigineux ne font néanmoins pas ombre au point final, Albion, douce, émouvante et cruelle.
Il est parti.
Affalés, nous regardons tous les cinq amoureusement le vide...
"On peut mourir maintenant?"